Colombiers et Pigeonniers

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Un colombier était, à l'époque féodale, un édifice destiné à loger et à élever des pigeons. Il désigne un édifice indépendant dédié exclusivement aux pigeons.

Le pigeonnier désigne, quant à lui, plus exactement une extension ou l'aménagement d'un bâtiment existant, également pour l'élevage des pigeons. Donc, sur notre région des Côtes d'Armor, ce qu'on, traditionnellement, appelle 'Pigeonnier ' est en réalité un 'colombier' puisque la plupart des édifices sont des tours indépendantes.

A noter cependant que les cartes 'IGN' utilisent, à tort, le repère 'Pig' pour Pigeonnier alors que la plupart du temps, c'est d'un colombier qu'il s'agit.

Un colombier ne concerne naturellement surtout pas un élevage de colombes !

 

 

Pourquoi élever des pigeons ?

1 - Les pigeons étaient utilisés pour leur chair, pour le dressage des faucons à la chasse, mais aussi pour porter des messages.

Cette fonction de courrier fera du pigeon un instrument de pouvoir, et cela explique en grande partie le privilège de colombier accordé aux nobles durant l'époque médiévale.

2 - Pour les manger : c'est une bonne raison, surtout les jeunes, les vieux sont trop coriaces !

Chaque couple de pigeons peut avoir un minimum de 3 couvaisons (de 3 à 6 en réalité d’Avril à Octobre). En général la ponte donne deux 2 œufs. Donc, un colombier de 1000 boulins (1000 couples) peut donner jusqu'à 10 000 pigeonneaux l’an. Pas mal non ?

Le pigeon est intéressant à des périodes où la consommation de la viande était un luxe et on n'en mangeait que lors des évènements exceptionnels. C'est donc du bon sens qui fait que la production se développe à cette époque pour améliorer l'ordinaire d'autant que la conservation de la viande n’était pas aisée. Le pigeon, lui, est « disponible » toute l’année.  Il peut se transporter dans des cages… et peut satisfaire le besoin des petits mangeurs.

3 - Nutritif pour le sol. Les fientes étaient récoltées sous le nom de 'colombine' ou 'guano'.

C'est un engrais de très bonne qualité. Il coûtait cher au Moyen-âge entre la fin du Vème et la fin du XVème siècle, d'où un intérêt économique de le produire, de le récolter et de le monnayer. Chaque pigeon en produisait  deux à trois kilogrammes par an. Ce puissant engrais naturel était tellement prisé qu'il n'était pas rare de le voir mentionner dans les contrats de mariage ou de métayage.

4 - Pour guérir : médicalement parlant, ce n'est vraiment pas toujours efficace... et il y a beaucoup de supercheries et d'affirmations trompeuses. A oublier !

L'élevage des pigeons, ça avait du sens à l'époque. Cependant, il y avait également des inconvénients, dont celui notamment des ravages qu'ils causaient sur les semis et les récoltes.

A tel point que les cultivateurs se plaignaient régulièrement de ces dégâts. Il en est d’ailleurs fait mention dans les "cahiers de doléances" dont l’usage remonte au XIVème siècle, les plus connus étant ceux de 1789.

La "nuit du 4 août 1789", l’abolition des privilèges supprima cette exclusivité seigneuriale. C'est la fin de l'élevage des pigeons en pigeonnier et colombier.

En 1791, le nouveau code rural autorisa de tirer sur les pigeons en période de moisson.

 

 

 

 

La construction d'un pigeonnier ou d'un colombier

Le colombier, ou le pigeonnier, se devait d’être construit avec grand soin. Dans notre région bretonne, la construction des boulins alternait les blocs taillés de granite avec de minces couches de schiste afin de récupérer assez régulièrement l’horizontalité, à la manière des constructions romaines.

Le toit est aussi en pierres, très souvent constitué de dalles de schiste ou lauzes, superposées et décalées selon le principe de construction dit 'en tas de charge', formant ainsi une coupole ou une voute aplatie dont le rôle essentiel consiste à protéger l'édicule des intempéries, et notamment de la pluie. La longévité des pigeonniers était ainsi prolongée, perpétuant le niveau du statut seigneurial.

Les colombiers sont en général de forme cylindrique. Ils sont qualifiés de 'colombier-tour'. En Bretagne notamment, le parement extérieur est souvent constitué de blocs équarris de pierre de taille en granite. 

Parfois, sur la façade extérieure, en partie haute, il y a un larmier, appelé également coupe-larmes en architecture. Un larmier, dont on voit un exemple ici photo, désigne un bandeau en saillie destiné à protéger l'ouvrage du ruissellement de l'eau issue du toit, et donc de son infiltration dans la construction d'une part, et d'autre part, à dissuader de la montée des prédateurs tels que fouines et belettes notamment. En effet, la porte d'entrée étant logiquement fermée, seule l'ouverture du toit permet l'accès à l'intérieur de la construction. Il fallait donc sécuriser et protéger son accès des indésirables.

Les colombiers et pigeonniers contiennent un nombre de boulins (nids), qui est fonction de la taille du domaine évaluée en arpents. Chaque boulin correspond à la possession d’environ ½ hectare, la taille du pigeonnier est donc fonction de l’importance de la superficie du domaine.

En Bretagne, la forme ronde était privilégiée à de rares exceptions près. Les gros Colombiers peuvent avoir de 8 à 10 mètres de diamètre et contenir plusieurs milliers de nids, appelés 'boulins'. Le boulin est le nid d'un couple de pigeons.

Des boulins, en voici photo.

 

 

Le nombre de boulins est lié à la richesse du commanditaire et à la surface de terres cultivées. Un boulin correspondant environ à 1 journée ou 1 journal ou 1 arpent. En Bretagne, traditionnellement, 1 journée correspond à la surface que peut travailler un cheval en une journée, soit 50 ares, ce qui correspond à 5000 m² ou un 1/2 hectare. Ainsi, un colombier qui comporte 1000 boulins représente une superficie de terres cultivées de 500 hectares. C'est déjà un domaine significatif.

L'article 389 de la coutume de Bretagne défend à tout particulier d'avoir un colombier, à moins qu´il n'ait en sa faveur une propriété d'au moins 300 journées de terre cultivable aux environs du lieu où il veut faire bâtir le colombier", soit 150 hectares.

 

L’exploitation des boulins se faisait à l’aide d’une échelle, parfois tournante autour d’un axe central à l'intérieur de l'édicule.